Page 14 - Nouvelles grecques - Nouvelles antiques
P. 14
– On raconte même qu’à ta naissance, lorsqu’on
t’a baigné dans du vin, tu n’as pas poussé un seul
cri…
Lichas a les traits figés.
L’autre est suspendu à ses lèvres.
– Dis-moi autre chose de louable.
Le jeune prend sa respiration ; il se lance :
– Hier, la nuit, j’ai attendu que tout le monde
dorme. Je me suis levé doucement. Les roseaux
de ma litière ont craqué. Mais les autres jeunes
n’ont rien entendu. Ils ronflaient. Pas le temps
de mettre l’himation. Je suis sorti nu par la
fenêtre. J’ai couru dans la rue, longtemps. Elle
était presque déserte. Je me suis arrêté devant
une grande maison. Je l’avais repérée la veille.
J’ai escaladé la façade jusqu’au toit. Là-haut, j’ai
enlevé une tuile et me suis laissé glisser à l’inté-
rieur. Il faisait noir mais j’ai su que j’étais dans la
salle à manger. La cuisine était donc à côté. Une
fois dedans, j’ai tout de suite trouvé les jarres.
Elles étaient remplies de figues et de noix. J’en
ai mangé autant que possible. Puis j’en ai fourré
dans ma bouche, comme on transporte sa mon-
naie, et je suis reparti aussitôt. La sortie a été
plus dure. J’ai dû mettre un coffre sur une table
pour pouvoir atteindre le toit. Mais une fois là-
haut, c’était gagné. Je suis redescendu vite dans
la rue, j’ai couru jusqu’au dortoir, suis repassé
par la fenêtre, ai marché sur la pointe des pieds,
12