Page 101 - Nouvelles égyptiennes - Nouvelles antiques
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seule présence gonflait mon cœur, ton parfum
emplissait mon âme, je rajeunissais à te voir, tu
comblais mes nuits et mes jours… Toi… main-
tenant… dans l’autre monde… je t’en supplie,
Neith, aie pitié ! Comment pourrais-je t’aimer
encore ?
– L’amour en soi est une prière.
Le cœur du prêtre s’est arrêté ; il f ixe les lèvres
de la morte : immobiles ; pourtant le cadavre a
parlé.
– Hathor… lâche-t-il avec effroi.
La voix reprend ; il ne bouge plus.
– Quand tout espoir a disparu, le reste d’amour
qui survit tel une prière s’élève aux cieux où la shout,
mère des mères, bienfaisante, étend ses deux bras ombre du défunt
secourables.
Le prêtre n’ose plus respirer ; la voix enchaîne,
douce et placide :
– J’étais préparée à mourir. J’entrais dans le
fleuve de l’oubli. Mais brusquement… un doux
parfum, comme un effluve, ma narine a frémi hiéroglyphes
d’elle-même… L’arôme du lys l’a réveillée… Je me signif iant « ib »
(cœur intérieur,
tourne et, parmi les fourrés, j’aperçois Mipou… Il
siège de la
me voit… Lui aussi voulait en f inir… Mais alors pensée)
qu’il entrait dans l’eau, un parfum de miel l’a
sauvé…
Le vieil homme tremble de bout en bout.
– Nous courons l’un vers l’autre, effrénés…
Nos corps ont leur propre mémoire… Nous nous
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