Page 96 - Nouvelles égyptiennes - Nouvelles antiques
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Elle est allongée dans sa chambre, yeux
                              ouverts, il fait noir, elle tremble, dans sa tête les
                              mots se bousculent, douloureux, les mots de son
                              père : « maisons de bière, vauriens, des femmes,
                              véreux, bière brune, vin, miel, ses frères » ; elle ne
                              comprend plus ; elle croyait ; il faut savoir ; mais
                              elle sanglote ; elle se ressaisit, courageuse. Il faut
                              savoir ; il faut savoir…
                                Elle est assise dans un fauteuil à grand dos-
                              sier, le dos droit ; elle ne tremble plus. La petite
                              flamme d’une lampe éclaire les objets posés sur
                              son guéridon : un miroir, une palette, des pots,
                              des coffrets, des vases, des cuillers ; elle prend le
                              miroir dans la main, se regarde, le repose, hésite,
                              respire lentement ; elle se lance…
                                Avec les cuillers elle saisit les fards contenus
                              dans les boîtes, fait des mélanges sur la palette,
                              étale les couleurs sur sa peau : la nuit envahit ses
                              paupières, un vert criard couvre ses cils, ses lèvres
                              deviennent écarlates, ses joues se couvrent d’un
                              blanc d’albâtre ; d’un vase elle retire une perruque
                              qui regorge de nattes tressées, la revêt d’un
                              baume enivrant, l’enfonce, huileuse, sur son
                              crâne ; d’un coffret elle sort des bandeaux, des
                              bracelets, des bagues, les enf ile ; elle reprend le
                              miroir, regarde.
                                Le reflet montre une inconnue.
                                Plus de beauté, ni d’agrément, ni d’élégance, ni
             palette à fard   de noblesse ; c’est l’âme entière qui est pervertie.





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