Page 98 - Nouvelles égyptiennes - Nouvelles antiques
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Une peau d’ébène le dissimule – la catin l’en-
serre de ses bras – mais il jette des coups d’œil
vers Neith – elle est pourtant méconnaissable ;
elle le regarde, désespérée, ne peut plus détacher
ses yeux ; il fallait savoir, il fallait !
Une odeur fétide dans son cou, elle sursaute :
une bête qui l’embrasse ; ses jambes se dérobent,
elle panique, hurle sans pouvoir entendre ses cris !
Fuir !
Des mains rugueuses accrochent son pagne,
arrachent sa perruque… elle s’évade, se retrouve
dans la rue blafarde, court droit devant, éperdue –
ses jambes qui l’emportent –, aperçoit au loin les
marais, les premières brumes, l’ombre du fleuve ;
elle ralentit – ses pieds nus sur la terre humide –,
elle ne sent plus rien, elle avance vers l’onde inson-
dable qui miroite, le Nil ténébreux et serein ; une
genette crépite dans les feuilles, un loriot s’envole
d’une ombelle ; elle ne voit plus, elle continue ;
l’eau qui clapote sur ses chevilles, elle n’entend
rien, elle est ailleurs, elle inspire l’air une dernière
fois, le fleuve l’étreint comme un amant.
Rien ne la retient de mourir…
Le prêtre est tombé à genoux, visage pétrif ié,
lèvres ouvertes ; ses mains raclent sol, amorphes ;
aucun son ne sort de sa bouche.
Dans l’encadrement de la porte, Mipou a souf-
flé quelques mots.
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