Page 100 - Nouvelles égyptiennes - Nouvelles antiques
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Pagne mouillé, torse livide, visage de pierre, le
jeune homme est un mort-vivant. Dans ses bras
se trouve la noyée au corps boursouflé et jauni ;
les fards verts et noirs délavés ont rendu sa f igure
obscène.
Mipou lève un pied fatigué ; le vieil homme
est déjà debout, les bras tendus, qui tremblent,
implorent ; il reçoit le corps de sa f ille comme un
misérable une offrande.
L’amant d’hier n’ajoute plus rien ; il s’en va,
laissant le vieux seul.
Ce dernier demeure immobile, puis lentement,
ses jambes s’ébranlent ; elles marchent sans savoir
où aller ; au milieu de la pièce, il s’écroule, son
front en plein sur le cadavre.
Et pleure.
– Mon bébé, ma f ille, mon amour, je ne voulais
pas, je ne voulais pas… pardonne-moi, je t’en
prie… pardon !
Les sanglots recouvrent ses plaintes.
– Je voulais juste… je t’aimais trop ! Je voulais
le meilleur pour toi ! Si je pouvais, Neith, je le
jure… Je donnerais tout, mon corps, mon shout,
mon ib, mon akh ! Je te donnerais tout, aie pitié !
Il f ixe les yeux clos de la morte, passe une main
sur sa joue gonflée.
– Tu étais… tout l’amour du monde ! Mais je
n’ai pas su, n’ai rien vu… Tu étais ma joie, tu
étais ma vie, tu étais mon Hathor incarnée ! Ta
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