Page 113 - Nouvelles égyptiennes - Nouvelles antiques
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les poteries. Je terminais de l’inventorier quand je
m’aperçus qu’une statuette avait échappé au compte.
Il s’agissait d’un oushebti, une f igurine en terre
sculptée af in d’effectuer pour le mort les travaux
des champs exigés durant sa vie dans l’au-delà. Elle
représentait le défunt, se tenant droit comme une
momie, le corps recouvert d’émail bleu brillant d’un
éclat surréel. Est-ce la beauté de la statuette ? Est-
ce l’émoi de ce dernier jour ? L’assurance qu’on ne
saurait jamais ? Ou bien autre chose, de plus fort ?
Je l’ignore mais n’hésitai pas : je subtilisai l’oushe-
bti, bien décidé à le faire mien… Bien sûr, j’avais lu
les avertissements gravés sur les murs de la tombe :
« Malheur à quiconque dérangerait le repos glorieux
d’Ouserhat, car alors la justice divine serait pour lui
impitoyable ! » Je me souvenais aussi des hommes oushebti
qui avaient troublé Toutankhamon, en mettant au
jour son tombeau regorgeant de richesses inouïes : ces
archéologues étaient morts, l’un après l’autre, dans
des circonstances mystérieuses… Mais mon désir
était plus fort : je rentrai avec l’oushebti.
Il ferma les yeux lentement.
– Et la malédiction me frappa.
La sueur recouvrait mon front.
– Ce fut une voiture, un matin, qui manqua de me
percuter en rognant un bout de trottoir. Je plongeai au
sol par réflexe et brisai ma main sur l’asphalte. Le
pauvre conducteur, choqué, ne put parvenir à com- Toutankhamon
prendre sa perte de contrôle subite… Une autre fois, (xıv siècle av. J.-C.)
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