Page 77 - Nouvelles égyptiennes - Nouvelles antiques
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Tout en bas, il y a la poussière, il y a la saleté, la
souillure, et je devais bien être ça car je vécus dans
celles des autres.
Ces années qui n’en f inirent plus, j’astiquais les
maisons des riches, récurais les baraques des pauvres,
décrassais celles des moins que rien et de tous ceux pas
assez bas pour faire vivre un sous-homme comme moi
au-dessous de leurs conditions. La nuit, je reposais
comme un mendiant au pied des bâtiments publics.
Les esclaves eux-mêmes me moquaient. Pire, on
m’avait oublié…
Comme ce jour où je nettoyais l’écurie d’un ancien
soldat. Lorsqu’il vint inspecter mon travail, je recon-
nus immédiatement un compagnon d’armes de jeu-
nesse. Sa vie avait suivi son juste cours quand mon
destin s’était brisé. Et au terme de sa longue carrière,
Pharaon lui avait donné tout : un palais, un terrain,
des esclaves, et des coupes, et des bracelets, et des
colliers gravés de l’épigraphe royale.
Mais lorsque cet homme m’aperçut, son visage
demeura de marbre.
Ma peine eut été trop lourde à porter si peu après,
je ne t’avais trouvé…
Dans la pénombre de l’atelier, le jeune homme,
herminette en main, s’était mis à trembler de
partout. Tjay le regardait, impassible, le haut du
visage révélé par la lueur d’un rayon de lune.
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